Pierre Ferracci était, vendredi 17 mars 2023, l’invité des Stars de l’Info sur Radio Classique
« [Sur le recours au 49.3] De la surprise, car je pensais qu’au moins, sur ce plan, ils iraient au bout de la consultation du Parlement et je pense que, malgré la difficulté, ils auraient dû aller au bout de cette consultation, quitte à prendre le risque de perdre et de repartir de l’avant en changeant de méthode et en consultant davantage qu’ils ne l’ont fait les partenaires sociaux. […]. En termes d’état de la société, qui est aujourd’hui plus crispée, plus éclatée, plus divisée que jamais, je pense que cela valait la peine de passer au vote, quitte à prendre le risque d’un échec et, encore une fois, de remettre la réforme sur le tapis parce qu’elle est toujours autant impopulaire, elle est toujours peu justifiée en matière d’urgence économique et il y avait sans doute d’autres solutions pour avancer dans le rééquilibrage des retraites que celle qui a été choisie par le Gouvernement. »
« Cette réforme a été mal préparée, la communication a été extrêmement déficiente et les fenêtres étaient fermées pour trouver un équilibre des retraites plus satisfaisant, moins urgent, comme le disent beaucoup d’économistes. Il y a moyen de faire autrement et personne ne nie la nécessité de réformer le système de retraites et de le rééquilibrer. »
« C’est un pays qui est au bord d’une colère grave et les syndicats, dont chacun a pu vanter les mérites ces derniers temps, parce qu’ils ont tenu le mouvement, unis. »
« C’est un pays qui est au bord d’une colère grave et les syndicats, dont chacun a pu vanter les mérites ces derniers temps, parce qu’ils ont tenu le mouvement, unis. […]. Le pays est au bord d’une crise grave. Le Président doit s’exprimer, d’autant plus sur une crise grave, une crise de régime, d’autant plus alors que la démocratie sociale est la première atteinte, et pas seulement la démocratie politique, par ce qui s’est passé. Et il va falloir réparer tout cela. D’ailleurs, j’incite, en dehors du Président, le Patronat à tendre des perches aux organisations syndicales pour avancer sur certains terrains qui ont été mise en évidence par cette crise. Autrement, il sera très difficile de remettre la société sur les rails. »
« La Première Ministre a échoué sur deux terrains : aller chercher les syndicats, et notamment ceux qui étaient sans doute le plus ouverts à une réforme systémique de la retraite, et aller chercher la majorité avec Les Républicains. On a choisi la majorité avec Les Républicains plutôt que le pacte social avec les organisations syndicales. C’est une erreur grave. On aurait dû bien les écouter et davantage discuter et négocier avec elles. »
« On a des chantiers extrêmement lourds, la réindustrialisation, la transition écologique qui va coûter très cher, le pouvoir d’achat aujourd’hui et le partage de la valeur, même si les organisations syndicales et le patronat ont signé un texte d’accord qui va dans le bon sens sur ce plan-là, il y avait d’autres priorités que celle-là ! En tous les cas, il n’y avait pas cette urgence qui nécessitait que l’on passe en force et, surtout, que l’on économise sur le temps de débat parlementaire, aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée. C’est cela aussi qui a choqué. Et si vous fermez toutes les fenêtres pour ouvrir le champ à une réforme, vous mettez effectivement dans la rue les organisations syndicales. »
« On dit souvent ‘le courage, c’est de résister devant l’obstacle’, et quand c’est le peuple, ce n’est pas tout à fait un obstacle symbolique ! Je pense que, peut-être, le vrai courage, dans le monde d’aujourd’hui, c’est de se dire ‘j’ai fait fausse route, je reprends le sujet, je le traite autrement et j’essaye d’avancer plus efficacement !’ De temps en temps, le vrai courage en politique, c’est de reculer, de se dire que l’on a fait fausse route et d’essayer de trouver le bon chemin avec les acteurs essentiels. Et les acteurs essentiels, aujourd’hui, je suis désolé, ce ne sont pas Les Républicains qui sont déjà dans la posture de la prochaine présidentielle. Les syndicats ne sont pas cette logique-là. Ils étaient prêts à discuter tous ensemble. Il y avait des signes à leur donner qui n’ont pas été donnés suffisamment. »
« La chance que l’on a, c’est que les organisations syndicales sont pleinement responsables et tiennent le mouvement. Il faut espérer qu’elles tiendront la colère qui s’exprime sur le terrain et il faut espérer surtout que le Gouvernement trouve rapidement la manière de remettre tout cela en chantier et de donner le signe au mouvement syndical. Il y a notamment une grande réflexion de réforme à opérer sur la question du travail, là-dessus tout le monde est d’accord, qui me semble indispensable aujourd’hui. »
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