Au lendemain de l’intervention d’Emmanuel Macron | Calvi 3D du 18/04/2023
Pierre Ferracci était, aux côtés d’Amandine Atalaya, éditorialiste politique BFMTV, de Roland Cayrol, politologue, directeur de recherche associé au Cevipof, de Laurent Escure, Secrétaire général de l’UNSA, et de Jean-Christophe Repon, vice-Président de l’U2P en charge du dialogue social, et Anne Saurat-Daubois, journaliste politique BFMTV, l’invité d’Yves Calvi sur BFMTV dans son émission Calvi 3D, mardi 18 avril 2023.
« Cela ressemble peut-être à une nouvelle erreur de méthode. Parce qu’il y en a eu beaucoup jusque-là. On va avoir du mal à reprocher aux syndicats de se désintéresser du travail. Ils ont réclamé justement que ces questions soient traitées en préalable avant de traiter la question des retraites ou, au moins, en même temps que l’on traitait la question des retraites. On ne va pas rattraper le temps perdu en cent jours ! Ce sont des choses qui prennent beaucoup de temps. Il était peut-être judicieux de remiser la réforme des retraites et d’embarquer cette question du travail – et d’autres d’ailleurs comme le partage de la valeur et la transition écologique – et de faire un vrai pacte social qui refondait l’ensemble des questions qui se posent aujourd’hui à la société. »
« Vous ne tournerez pas la page des retraites aussi facilement que cela. Déjà au 1er Mai, cela me paraît une évidence. Mais, même après, je suppose que les syndicats vont réfléchir à la façon à la fois de faire continuer l’intersyndicale et de traiter la question des retraites car il y a des choses qui vont continuer à se poser dans les mois qui viennent. Mais lancer cette opération d’une grande réflexion sur le travail en l’absence des organisations syndicales – on a quand même créé les conditions pour qu’elles ne soient pas là ! Elles ont demandé à être reçues avant la décision du Conseil constitutionnel, elles ne l’ont pas été. Leur demander d’être reçues juste après cette décision et après avoir promulgué la loi en quatrième vitesse – est une erreur de méthode. »
« C’est bien que le chômage baisse et tout le monde peut s’en féliciter. Mais les emplois que l’on crée génèrent moins de productivité et moins de richesse. Il ne faut pas oublier que l’on a désindustrialisé le pays depuis plus de vingt ans, donc, ce ne sont pas toujours des emplois qualifiés. Et quand la productivité croît moins vite, il y a aussi un problème de rémunérations et de salaires derrière. Et, il y a un problème de répartition des richesses. La société s’habitue moins qu’avant à des différences de rémunération, de patrimoine, sur la planète d’ailleurs, pas seulement en France. A partir de là, la question du travail est clé, la question du travail et de la qualité du travail. Dans certains métiers, il est évident que les conditions du travail se sont dégradées. Tout cela, il faut le traiter. Il faut remettre ces questions sur la table. Tout cela sur fond de transition écologique, qui va coûter cher, et de réindustrialisation, qui n’est pas gagnée d’avance. Il y a deux questions essentielles : la question du travail et, à mon avis, la question de la place des salariés dans les entreprises. En Europe du Nord, la place des salariés dans la gouvernance est plus importante que chez nous sans amputer, par ailleurs, la compétitivité des entreprises et de l’économie. Donc, il faut que l’on trouve un meilleur équilibre. Moi, je dirais que le président de la République pourrait prendre des initiatives hardies pour rénover le dialogue social dans les entreprises à condition qu’il soit plus équilibré. »
« Les ordonnances de 2017 ont porté un petit peu atteinte, et même un petit peu beaucoup, au dialogue social. La fusion des CE et des CHSCT n’était pas une mauvaise chose en soi mais elle a été faite dans de telles conditions que le CHSCT aujourd’hui a perdu son âme et a perdu, surtout, ses moyens. C’est la question de la prévention des difficultés au travail, des risques, qui est en jeu. Il faut redonner des moyens à ces enjeux là et revisiter les ordonnances, avec les partenaires sociaux. »
« Les ordonnances de 2017, c’est l’Etat qui a pris la décision, pas les partenaires sociaux. On a parlé à l’époque de flexisécurité. J’ai dit à l’époque que la flexibilité est là, la sécurité, c’est-à-dire la sécurisation des parcours professionnels est moins là. Il faut retravailler le sujet et lier cette question à celle du travail. »
« Si, un jour, on comprenait que la meilleure façon d’avancer vite, c’est de respecter un petit peu les règles de l’art ! Quand on conduit un changement profond, c’est valable dans une entreprise, c’est valable dans un pays, vous avez la confiance de ceux qui sont amenés à participer à ce changement. Cela va plus vite. Si vous essayez d’aller vite, de passer en force, d’annoncer, tous les quatre matins, que, dès le 1er septembre…, il est évident que vous ne créez pas la confiance ! Moi, je pense qu’à vouloir gagner du temps, à aller vite, on crée des obstacles et on perd du temps. Il faut essayer de prendre la mesure du problème démocratique qui est posé aujourd’hui. On ne fait plus de référendum depuis dix-huit ans, on ne fait pas voter le Parlement. On oublie que les syndicats sont tous unis pour demander un certain nombre de choses. On va perdre du temps derrière, c’est évident, et on ne va pas rassembler le pays sur les enjeux essentiels qui sont les siens : la transition écologique, la réindustrialisation, un partage de la valeur plus équilibré et un travail mieux accepté. »
Cliquez ICI pour écouter l’intégralité de la première partie de l’émission Calvi 3D du 18 avril 2023.
Cliquez ICI pour écouter l’intégralité de la deuxième partie de l’émission Calvi 3D du 18 avril 2023.
Merci à la rédaction de BFMTV pour son autorisation de diffusion.
Et retrouvez nos précédentes actualités dans le fil de nos Opinions.