“Réforme des retraites : la grève peut-elle paralyser le pays ?”
Pierre Ferracci était, aux côtés de Thomas Gomart, directeur de l’IFRI, d’Antoine Armand, député Renaissance de Haute-Savoie, d’Elsa Faucillon, députée GDR des Hauts-de-Seine, et de Fabienne Tatot, secrétaire nationale de l’Ugict-CGT, l’invité de Myriam Encaoua dans son émission “Ça vous regarde”, mardi 7 mars 2023, sur LCP.
« La journée d’aujourd’hui [7 mars 2023] a été un incontestable succès, il y a plus de manifestants qu’au plus haut du mouvement. Moi, j’aimerais que l’on se focalise sur l’unité syndicale plutôt que sur les propos, parfois un peu excessifs des uns et des autres. Il va falloir démontrer à ceux qui vont travailler un peu plus longtemps qu’ils ne sont pas perdants dans la réforme. Je pense que l’unité syndicale va perdurer, ce qui n’empêche pas des divergences sur les modalités d’action. Elles existent depuis le début – Laurent Berger et Philippe le disaient il y a quelques jours, l’un et l’autre -. C’est vrai que, quand il y a une forme d’immobilisme de côté gouvernemental, on a tendance à réfléchir à des moyens plus radicaux. Je pense que les syndicats vont tout faire pour la faire perdurer. Je pense que le gouvernement devrait apporter une attention très forte au fait que, pour la première fois depuis longtemps, huit syndicats sont fortement unis sur leur revendication qui est très claire et qui porte sur l’âge légal. Je ne laisserais pas dire qu’il y a urgence sur le plan financier. Il y a nécessité de rétablir les équilibres, cela personne ne le nie, y compris sur le plan syndical, il y a simplement d’autres méthodes qui sont proposées que celle avancée par le gouvernement. Et ce qui est un peu dommage, c’est que le débat ne soit pas ouvert. Depuis le début, toutes les fenêtres sont fermées. »
« Après, je reviendrais sur le fait que cette réforme a été mal préparée. Il y a une vraie crise du travail en France. Je ne laisserais pas dire non plus que les Français ne veulent plus travailler. Ils veulent travailler autrement. Il y a un problème de sens au travail. Il y a un problème de conditions de travail. Je répète souvent qu’en Finlande, quand ils ont d’ailleurs décalé de deux ans l’âge de la retraite, ils ont demandé aux partenaires sociaux, pendant cinq ans, de travailler sur le travail et, notamment, sur le travail des seniors, sur la charge de travail, sur le pouvoir d’achat des seniors, sur leur fin de carrière professionnelle. On n’a pas fait cela, on le paye aujourd’hui. »
« Moi, le travail, je le vis au quotidien, dans les entreprises, les collectivités locales et auprès des représentants du personnel auprès de qui nous intervenons. Je pense que vous n’avez pas fait tout bien sur le travail ! j’ai eu un regard très critique sur les ordonnances. Je pense que vous avez développé un modèle à la danoise de flexisécurité en oubliant un peu la sécurité pour les salariés. Le dialogue social, il ne s’est pas amélioré dans les cinq ans. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la commission d’évaluation mise en place par Muriel Pénicaud, dirigée par deux personnes, l’ancien Numéro 2 de la CFDT et l’ancien Délégué général de l’UIMM. Vous lisez leur texte, vous voyez bien que le dialogue social patine depuis un moment. Et on touche au cœur du sujet. Il y a treize pays aujourd’hui où le tiers des administrateurs des entreprises, dans les conseils d’administration, représentent les salariés ou les organisations syndicales. On aurait pu être le 14e. On a fait une loi Pacte un peu timide qui n’a pas changé grand chose sur ce plan-là. »
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