Audition de Pierre Ferracci et de Stéphane Itier devant la commission d’enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire de l’Assemblée Nationale, le 20 septembre 2023
« Depuis 2009, nous sommes l’expert mandaté par le comité d’entreprise de Fret SNCF et, ensuite, par le comité social et économique et, à ce titre, nous avons été témoins des efforts et de l’évolution de Fret SNCF. Notre dernière expertise a permis de mettre en évidence trois volets, un volet “Politiques publiques”, un volet “économique” et un volet “conséquences sociales” du plan de transformation, notamment en termes de conditions de travail et de risques psychosociaux. Aujourd’hui, nous sommes dans le cadre d’un projet de transformation de Fret SNCF assez inédit. Inédit car c’est une rupture par rapport aux quinze dernières années. […]. Est-ce que cela va mieux marcher aujourd’hui ? Est-ce que cela va coûter moins cher ? Jusqu’à présent, Fret s’inscrivait plutôt dans le cadre d’une trajectoire vertueuse économiquement. Aujourd’hui, il y a des incertitudes sur l’avenir. » Stéphane Itier
« Il y a une obsession d’ouverture à la concurrence du côté de Bruxelles qui me semble totalement incompatible avec l’atteinte des objectifs en termes d’environnement. A mon avis, c’est une pression qui va rendre le ferroviaire et le fret ferroviaire en grosses difficultés. Si vous prenez le cas de l’automobile, au nom d’objectifs environnementaux, on bascule dans l’électrique avec beaucoup de rapidité que ce qui était prévu – on a gagné cinq ans sur la suppression des moteurs thermiques -, sauf que l’on n’intègre pas, et c’est la raison pour laquelle je fais le lien avec le financement du fret ferroviaire, l’on n’intègre pas le fait que les principaux concurrents de l’Europe, et pas seulement de la France, la Chine et les Etats-Unis, bénéficient dans l’automobile de subventions publiques énormes qui vont faire que, dans l’industrie automobile, les deux grands groupes français vont supporter très difficilement cette contrainte concurrentielle ! Et, dans le ferroviaire, au nom d’une mise en concurrence un peu brutale, la pression est énorme ! On ne peut pas à la fois dire que le ferroviaire est une des réponses aux enjeux de protection de la planète et imposer. Je trouve que l’équilibre n’est pas trouvé. Je pense que les perspectives sont trop optimistes. Je ne connais pas beaucoup d’entreprises, privées ou publiques, capables de supporter un choc pareil aussi brutal. Surtout après des restructurations qui, depuis des années, ont déjà réduit l’entreprise avec quelque chose qui n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était auparavant. Je ne suis pas sûr que les concurrents dans le rail sont prêts à prendre le relais. Il y a, à mon avis, au final, une logique qui va affaiblir ces modalités de transport par rapport à d’autres et c’est là que je dis que c’est parfaitement contradictoire avec les autres objectifs que l’Europe assigne aux différents pays qui en sont membres pour rééquilibrer les choses et mieux protéger, demain, l’environnement.» Pierre Ferracci
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