Retrouvez l’interview de Pierre Ferracci au micro d’Hedwige Chevrillon dans La Grande Interview sur le plateau de Good Evening Business, le 8 novembre 2023, sur BFM Business
Les négociations sur l’Unedic et l’assurance-chômage “J’espère que les partenaires sociaux vont y arriver. Après, la négociation est difficile et il y a vraiment deux approches qui sont un petit peu opposées. Vous connaissez mon point de vue : si l’on avait travaillé plus activement et bien avant la réforme des retraites sur le taux d’emploi des seniors, on n’aurait pas autant de tensions sur la réforme de l’assurance-chômage. J’espère qu’il y aura ce compromis et, puis, si l’Etat reprend la main, il a intérêt à regarder ce qui se fait en Europe. Sur le taux d’emploi des seniors, il y en a qui ont fait bien mieux que nous et depuis longtemps et sur la question du travail qui est une question clé. Peut-être que l’on se focalise un peu trop sur le niveau de l’indemnité et sur la fraude, on croit parfois que le retour à l’emploi est facilité par la baisse des indemnités, moi, là, je parle en tant que praticien. Je crois que les gens ont envie de trouver un emploi et quand ils ne le trouvent pas et qu’ils attendent le dernier moment, c’est parce que ce qu’on leur propose n’est pas tout à fait satisfaisant et vous savez très bien que, dans les entreprises aujourd’hui en France, plus encore que le problème de l’emploi, il y a un problème sur le travail qui n’est pas assez attractif. Il y a une question du sens du travail, il y a aussi une question de conditions de travail. On oublie souvent qu’en Europe, on est dans le peloton de tête en matière d’accidents du travail, en matière de risques psychosociaux ! Donc, il y a bien une question du travail qui n’est pas traitée sérieusement. ”
Le travail et la productivité “Pendant trop longtemps, on s’est dit ‘on travaille moins que les autres, mais on est beaucoup plus productifs que les autres’. Pendant un temps, c’était vrai. Aujourd’hui, la productivité faiblit. Pour deux raisons essentielles, d’abord, notre industrie s’est bien affaissée et, dans les services, il y a moins de productivité et, ensuite, on arrive au bout du bout de la chaîne pour certains salariés et la montée des risques psychosociaux notamment fait que la productivité n’est plus tout à fait ce qu’elle était. Donc, on ne peut plus se rattraper là-dessus. D’ailleurs, c’était moins une productivité du travail qu’une intensification du travail qui était à l’ordre du jour. “
Les retraites complémentaires “Pour une fois que, dans le paritarisme, cela marche très correctement sur les retraites complémentaires, laissons les partenaires sociaux, qui ne sont pas oublieux de l’intérêt général, qui peuvent aussi entendre certaines voix, se préoccuper un petit peu de la façon d’utiliser les excédents. On ne peut pas dire, d’un côté, on passe en force dans une réforme et, puis après, comme cette réforme a quelques aspects positifs sur les caisses des retraites complémentaires, on va s’occuper de l’affectation ! Ce n’est pas comme cela que cela marche. Je suis pour respecter le paritarisme là où il marche bien et, de temps en temps, pour le titiller là où il marche moins bien.”
L’article 3 du projet de loi Immigration “On sait bien que l’on a besoin, pour la croissance économique de demain, d’immigration. Qu’il faille mieux la contrôler, c’est une évidence, qu’il faille mieux la cibler, plutôt que la subir, c’est une évidence, qu’il faille plus lutter contre les dérives communautaires, c’est une évidence. On va en avoir besoin car la natalité n’est plus tout à fait ce qu’elle était, que les enjeux de compétences sont, aujourd’hui, terriblement importants pour les entreprises. Alors, il faut peut-être mieux cibler l’immigration, il faut peut-être raisonner en matière de besoins de l’économie et de complémentarités par rapport aux compétences de nos concitoyens. ”
Le pouvoir d’achat “L’inflation qui a galopé, même si elle a ralenti, a fait quelques dégâts dans le pouvoir d’achat et il y a une vraie attente des salariés pour un rééquilibrage du partage de la valeur. Ce problème de pouvoir d’achat est doublé d’une angoisse, qui est réelle dans les entreprises, sur les enjeux de la transition – la transition numérique et l’IA, la transition écologique – car on a peur qu’elle fasse des dégâts sur le plan social qui ne sont pas suffisamment pris en compte. On le voit dans l’automobile même si des efforts sont faits en matière de formation et d’accompagnement. Cette angoisse se double d’un vrai problème de pouvoir d’achat et je crois que la question du partage de la valeur doit être traitée en même temps que celle du travail. Moi, je pense que l’on ne traitera pas la question du travail et de ce rapport un peu compliqué des Français aujourd’hui au travail si on ne pose pas en même temps la question du partage de la valeur et, donc, des rémunérations et, en même temps, la question de la gouvernance des entreprises et de l’implication des salariés dans le traitement de ces grandes questions.”
Etat et Régions “Moi, je suis partisan de voir l’Etat se recentrer sur ses tâches régaliennes, l’éducation, la sécurité… et peut-être que les régions peuvent prendre aujourd’hui davantage d’importance dans la formation, dans l’accompagnement et dans la gestion de l’emploi. Mais cela veut dire qu’il faut aller au bout d’une forme de décentralisation. On hésite depuis des années, on est toujours entre deux eaux.”
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