Relocalisations, les différents chemins qui mènent en France

L’un des objectifs centraux de l’étude « Relocalisations d’activités industrielles en France », à laquelle a participé le Centre Études et Prospective, a été de permettre de  mieux connaître les acteurs et les parcours de relocalisation. Les cas de relocalisation étudiés incluent diverses formes d’implantation en France de productions auparavant réalisées à l’étranger, que ce soit en propre par l’entreprise qui relocalise ou par un fournisseur.

Les « pour » et les « contre » de la production à l’étranger

Une variété de facteurs amène les entreprises à recourir à des productions industrielles à l’étranger. La principale raison de ce choix d’implantation est la recherche de réduction des coûts de production, notamment de ceux liés à la main-d’œuvre, mais aussi des coûts d’approvisionnement. Parmi les motivations moins fréquentes apparaissent la conquête de nouveaux marchés, les taux de change favorables, le rapprochement d’un client ou d’un fournisseur. Pour certaines entreprises, c’est le fait de ne pas maîtriser tout ou partie de la chaîne de valeur qui est à l’origine du recours à des fournisseurs étrangers compétitifs. Toutefois, ces implantations s’accompagnent également de contreparties qui peuvent progressivement l’emporter sur les avantages. La production géographiquement éloignée du siège et du marché ciblé implique des rigidités et des contraintes logistiques : délais de livraison longs, taille minimale des séries plus importante, flexibilité limitée dans le développement des produits et dans la gestion de la demande, coûts de stockage. Les problèmes de qualité et, notamment en Asie, les difficultés à protéger la propriété intellectuelle sont deux facteurs qui peuvent également peser en défaveur de la fabrication à l’étranger.

Ainsi, les implantations à l’étranger résultent d’une comparaison entre leurs avantages et inconvénients dont les pondérations respectives dépendent de la stratégie individuelle de chaque entreprise. Les évolutions des paramètres exogènes de ce choix (hausse des coûts du travail, du transport etc.) ainsi que les changements dans le positionnement commercial de l’entreprise peuvent justifier la relocalisation en France. L’importance de ces facteurs peut également varier selon les différentes gammes de produits de l’entreprise. Ainsi, il existe des cas de relocalisation partielle, le retour concernant le plus souvent l’offre pour laquelle le positionnement qualitatif est déterminant. Les entreprises ne semblent pas toujours reconsidérer en continu leurs décisions de localisation. C’est souvent le démarrage d’un nouveau projet ou un événement externe (fermeture d’un fournisseur, nouvelle acquisition) qui les amènent à repenser l’organisation de leur chaîne de valeur et à décider de relocaliser.

Trois types de parcours de relocalisation  

L’enquête de terrain auprès de responsables d’entreprises ayant relocalisé, a mené au constat d’une variété d’expériences individuelles à partir desquelles trois parcours types de relocalisation se sont dessinés.

Les relocalisations de retour

Le plus classique est celui des relocalisations de retour. Ces réimplantations en France font suite à une délocalisation antérieure souvent motivée par des considérations de coûts. Cependant, après quelques années, les inconvénients de l’approvisionnement à l’étranger, parfois sous-estimés au moment de la délocalisation, combinés dans certains cas à de nouvelles opportunités de développement en France, rendent la relocalisation plus attractive. Le retour de ces entreprises se fait à proximité de leur site français existant ce qui leur permet de bénéficier de synergies et de flexibilité dans les échanges entre leurs différentes structures.

Les relocalisations de développement compétitif

A côté de cette trajectoire, minoritaire dans l’échantillon de la trentaine d’entreprises étudiées, deux parcours de relocalisations sans délocalisation initiale ont été identifiés. Ceux-ci regroupent, d’une part, les relocalisations d’entreprises françaises qui n’ont jamais produit en France, et, d’autre part, les transferts d’activités vers la France par de grandes entreprises internationales arbitrant entre leurs sites d’implantation. Les premières, les relocalisations de développement compétitif, ressemblent aux relocalisations de retour dans leurs motivations à produire à l’étranger et à s’implanter en France. Ce qui les distingue des relocalisations de retour est que ces entreprises n’ont produit ou ne se sont approvisionnées qu’à l’étranger. Deux raisons peuvent expliquer ce choix d’implantation au démarrage de l’entreprise. La première est que le volume de production initial et le coût des investissements nécessaires au lancement de l’activité ne justifiaient pas la création d’unités de fabrication en France. Cette catégorie de relocalisation regroupe également des entreprises qui s’engagent dans la fabrication de produits qu’elles ne faisaient que commercialiser auparavant, ou qui cherchent à étendre leur maîtrise de la chaîne de valeur en internalisant certaines étapes de fabrication en amont. De façon similaire aux relocalisations de retour, l’implantation géographique en France de l’activité relocalisée dépend fortement de l’ancrage territorial préexistant des entreprises. L’exception est constituée par les cas de rachat d’actifs pour lesquels c’est l’opportunité de reprise de firmes en difficulté qui détermine le lieu du nouveau site. Pour ce groupe d’entreprises, le passage par une production initiale à l’étranger paraît une étape essentielle dans leur évolution. Il leur permet de s’implanter sur les marchés, d’atteindre une taille critique, d’acquérir une assise financière et une expérience rendant possible la réalisation du projet de relocalisation.

Les relocalisations d’arbitrage

Enfin, pour la troisième catégorie de relocalisations, les relocalisations d’arbitrage, la question du choix des lieux de production se pose en termes un peu différents par rapport aux deux premiers groupes. Ces relocalisations sont effectuées par des entreprises de grande taille, qui cherchent à déterminer la meilleure répartition de leurs activités entre leurs implantations dans différents pays, en optimisant l’utilisation des capacités des sites existants. Dans certains cas, ce sont des acquisitions externes qui ont mené à la multiplication des sites de production et à la coexistence de filiales avec des activités similaires. Lorsque les performances entre les unités concurrentes sont comparables, l’implication des dirigeants locaux peut faire pencher la décision en faveur du site français. Les relocalisations d’arbitrage prennent des formes variées : regroupements d’un type d’activité sur un seul site, transferts de production vers une unité en surcapacité ou attribution d’une activité à l’unité considérée la plus à même de la développer avec succès (niveau des compétences, de l’équipement et de la productivité du site, proximité du marché, accès à des ressources spécifiques, notamment dans le domaine de l’innovation, etc.). Ces réorganisations des activités des multinationales n’impliquent pas nécessairement l’abandon d’un site pour un autre.

Un aspect commun à ces trois trajectoires est qu’elles impliquent souvent des changements organisationnels majeurs lors de l’implantation en France : automatisation de la fabrication, évolution des méthodes et de l’organisation du travail, internalisation de la production auparavant confiée à des fournisseurs étrangers, lancement de produits nouveaux, réorganisation des filiales pour les multinationales. Dans la plupart des cas, la relocalisation n’est pas le simple déplacement géographique d’une production maîtrisée et s’accompagne souvent d’un repositionnement qualitatif de l’entreprise. La mise en œuvre de ces changements peut être complexe et sa réussite n’est pas garantie. Ainsi, la relocalisation peut offrir des perspectives de développement prometteuses mais la réussir peut représenter un réel défi pour les entreprises, nécessitant une préparation soigneuse et un accompagnement adéquat par les acteurs publics et financiers.


Milena GRADEVA