Attractivité et compétitivité françaises sur les marchés mondiaux : tendances récentes
Le site France attire plus en 2014
L’attractivité de la France pour les investisseurs étrangers semble connaître une certaine embellie en 2014 selon Le baromètre d’attractivité d’Ernst&Young (E&Y) et le bilan des investissements étrangers réalisé par Business France (issue de la fusion de l’AFII et d’UbiFrance). Si les grandes tendances observées vont dans le même sens, des divergences dans le chiffrage existent. Celles-ci sont dues notamment à des différences du champ couvert (exclusion de certains secteurs), de la nature des opérations prises en compte (inclure ou pas les reprises de sites en difficulté et les reprises-extensions) et de la méthodologie utilisée (répertorier les projets ayant fait l’objet d’annonce publique). Selon Ernst&Young, la hausse du nombre de projets d’investissement s’inscrit dans une amélioration plus globale de l’investissement étranger en Europe (+10% en nombre de projets) mais la dépasse largement (+18%, 608 projets au total). La France reste également la première destination européenne pour les implantations industrielles (231 en 2014, 65 de plus qu’en 2013). Le chiffre obtenu par Business France est plus élevé : 740 décisions d’investissements physiques recensées à périmètre constant (1014 selon la nouvelle méthodologie adoptée en 2014 incluant notamment des projets dès le premier emploi créé au lieu du 10ème). Cela représente une hausse de 8% par rapport à 2013, inférieure aux résultats d’E&Y. La France reste toujours nettement derrière les deux pays qui attirent le plus d’investissements étrangers selon le baromètre Ernst&Young (le Royaume-Uni avec 887 projets en 2014 et l’Allemagne avec 763 projets), sans arriver à réduire l’écart qui les sépare. Jusqu’en 2010, la France occupait la 2ème place devant l’Allemagne.
Les deux études s’accordent sur le constat de la baisse du nombre d’emplois créés par ces projets (voir graphiques). L’écart quant à l’estimation de leur nombre est cependant considérable : 12577 emplois créés selon Ernst&Young, 25478 emplois créés ou sauvegardés selon Business France. Dans les deux cas, il reste inférieur à celui de 2013 malgré la croissance du nombre de projets. Sur ce point, selon le baromètre E&Y, la France diverge de la tendance européenne : en Europe, la hausse du nombre de projets (+10%) s’accompagne d’une hausse du nombre d’emplois créés (+12%). La taille des projets est plus modeste avec en moyenne 21 emplois par projet en 2014 (26 selon Business France) contre 27 emplois en 2013. Au niveau européen, la taille moyenne des projets d’investissements étrangers est plus importante et stable depuis l’année dernière (43 emplois en 2014 et 42 en 2013).
Ces statistiques ne s’appuient pas sur la définition classique d’investissement direct étranger qui englobe des opérations assez diverses telles que fusions-acquisitions, prêts intra-groupe, investissements immobiliers etc. L’avantage de l’approche adoptée est de distinguer les opérations financières des implantations physiques, créatrices d’activité et d’emploi.
La position de la France sur les marchés internationaux
Si ces analyses recensent certains signes positifs pour l’attractivité du site France, l’évolution de la balance commerciale du pays est moins encourageante. D’excédentaire jusqu’en 2005, le solde commercial s’est ensuite dégradé jusqu’en 2011. Depuis, une légère réduction du déficit est observée. Les biens industriels, notamment des produits énergétiques, sont la cause principale de cette dégradation (Bardaji et al., 2015, dossier Insee). D’autres types de biens industriels connaissent également des déficits commerciaux : biens d’équipement et autres produits industriels. Les biens agroalimentaires et le matériel de transport (hors industrie automobile) enregistrent des excédents commerciaux. La baisse récente du prix du pétrole a permis une diminution du déficit des échanges des produits énergétiques (Coe-Rexecode).
Cette dégradation du solde commercial s’accompagne d’une réduction des parts de marché mondiales du pays. La baisse de la part de la France dans le commerce international est en grande partie la conséquence de la participation grandissante des pays émergents dans les échanges commerciaux mondiaux. Cependant, le recul est plus marqué pour la France que pour la plupart des autres pays européens alors que cette tendance globale affecte leurs exportations aussi. Si certains aspects du positionnement de la France pourraient être améliorés, selon la note 23 du CAE par Bas et al., c’est le rapport ‘qualité-prix‘ insuffisant des produits français qui apparaît comme son défaut principal (l’analyse n’inclut pas les services). Le positionnement hors-prix des produits français a été déjà identifié comme un enjeu essentiel de la compétitivité française dans le rapport Gallois en 2012. La note souligne la réussite de secteurs dans lesquels la qualité des produits est reconnue à l’international : luxe, aéronautique, appareils de distribution électrique. Elle attire également l’attention sur le rôle des marques fortes sur laquelle se sont appuyés les secteurs qui ont le plus résisté.
La qualité du « made in France »
Ainsi, au-delà des effets de l’arrivée de nouveaux concurrents, se pose la question de la compétitivité des produits français. Celle-ci se compose d’une dimension prix et une dimension hors-prix. Si la première peut être comparée de façon relativement aisée entre pays en prenant en compte notamment le coût des intrants intermédiaires, le taux de change, le coût du capital et du travail, la compétitivité hors-prix est difficile à mesurer. Une amélioration de la compétitivité-coût et un redressement des taux de marge marque l’année 2014 selon l’analyse de la compétitivité française par Coe-Rexecode. Selon Ernst&Young, plusieurs facteurs ont contribué à la réduction des coûts de production dans le pays tels que le resserrement euro-dollar, la baisse récente du coût de l’énergie et du coût horaire du travail (effets du CICE). Ainsi, le coût horaire du travail dans l’industrie en France serait désormais inférieur à celui en Allemagne (36,8€ contre 38,5€).
Quant à la compétitivité hors-prix, si la France se place toujours relativement bien au sein des pays de l’OCDE (7ème), le classement qualité de plusieurs secteurs est en recul depuis 2008 (note du CAE, n°23, op. cit.). L’indicateur utilisé reflète les caractéristiques des produits qui augmentent la demande à prix donné. Les secteurs français les mieux classés sont : l’aéronautique (1er rang OCDE), la maroquinerie (2ème), le vin (3ème) et les appareils de distribution électrique (3ème aussi). En 2013, dans 55 secteurs sur 102 analysés, la France se place parmi les 10 meilleurs. En comparaison, l’Allemagne se détache avec 85 secteurs classés. Les 10 meilleurs secteurs allemands sur le critère de la compétitivité hors-prix sont tous en première position au sein de l’OCDE.
Source : Bas et al., 2015, note CAE n°23
Source : Bas et al., 2015, note CAE n°23
La question de l’équilibre ‘qualité-prix’ et du positionnement des produits français reste donc d’actualité. L’enquête menée dans le cadre du baromètre Ernst&Young auprès des entreprises étrangères indique un gain d’intérêt pour la marque France (39% estiment que c’est un atout dans leurs activités contre 30% en 2014). Pour améliorer la compétitivité hors-prix des produits français et leur positionnement sur les marchés internationaux, Bas et al. (2015) soulignent l’importance de la formation et de l’innovation.
Milena Gradeva