L’économie mondiale à la recherche de nouveaux équilibres
La croissance mondiale faiblit
La dernière Note de conjoncture du Centre Etudes & Prospective du Groupe Alpha souligne que l’économie mondiale traverse une période délicate. En 2015, les difficultés se sont accrues sur la deuxième partie de l’année et la croissance a atteint seulement 3,1%, au plus bas depuis 2009. En 2016, elle serait à peine meilleure en 2016 (+3,2%), selon les dernières prévisions du Fonds monétaire international.
Alors qu’elles étaient le talon d’Achille de la croissance mondiale depuis plusieurs années, les économies avancées ont connu un léger renforcement de l’activité (+1,9% en 2015), grâce notamment au redémarrage de la zone euro, et dans une moindre mesure du Japon (+0,5%). Aux Etats-Unis, la croissance est restée solide (+2,4%), malgré un mauvais début d’année, de même qu’au Royaume-Uni (+2,2%). La croissance des économies avancées devrait rester globalement la même en 2016, même si un ralentissement est possible en cas de nouvelle dégradation de l’environnement économique mondial.
En revanche, les économies émergentes ont continué de s’affaiblir. En cause, le ralentissement de la Chine, mais pas seulement. Alors que la Russie avait échappé de peu à la récession en 2014, il n’en a pas été de même en 2015 (-3,7%). L’économie russe devrait toutefois progressivement se redresser au cours des prochains trimestres, mais il faudra probablement attendre 2017 pour que l’activité progresse à nouveau. En revanche, le retour de la croissance sera plus long à se dessiner au Brésil. L’économie brésilienne, déjà en proie à un ralentissement structurel, a vu les difficultés se multiplier sur la période récente (ralentissement de la Chine, baisse des prix du pétrole, accélération de l’inflation, crise politique, etc.). Parmi les « BRIC », seule l’Inde garde le cap, et devrait à nouveau enregistrer une croissance supérieure à 7% cette année.
De nombreux facteurs de risque
Les facteurs de risque qui pèsent sur l’économie mondiale ont un peu évolué au cours des derniers mois. Contrainte à l’attentisme en septembre dernier en raison de l’inquiétude autour du ralentissement chinois, la Réserve Fédérale a profité d’une accalmie en fin d’année pour opérer une première hausse des taux en décembre. Le resserrement de la politique monétaire américaine, de nouveau contrarié en mars par un contexte international difficile, n’apparaît toutefois plus comme le principal facteur de risque pour la stabilité financière mondiale, bien qu’il reste important.
La sortie de la stratégie de soutien de la Fed à l’économie par des mesures très accommodantes devrait prendre plus de temps que prévu. Alors que la Banque du Japon, la Banque centrale européenne et la Banque d’Angleterre n’ont pas encore mis fin à leur politique de crise (de nouvelles mesures ont été annoncées par la BCE), les difficultés de la Réserve Fédérale à normaliser sa politique constituent un signal inquiétant. Au Japon, la base monétaire atteint 70% du PIB, et l’inflation reste désespérément faible (hors les effets de la hausse de la TVA).
Accueillie dans un premier temps avec bienveillance dans les pays importateurs, la baisse des cours des matières premières, et notamment du pétrole, a atteint une telle ampleur qu’elle constitue désormais un danger pour l’économie mondiale. La chute des prix énergétiques a provoqué des déséquilibres importants dans les comptes extérieurs et publics de nombreux pays exportateurs, émergents pour la plupart, qui ne sont pas tous armés pour affronter un tel choc. Globalement, ce transfert de revenus pèse désormais sur la croissance globale, car il s’opère au bénéfice des économies développées, moins dynamiques, et ne s’ajuste plus par une baisse de l’épargne des pays producteurs, mais de la demande émergente. Le Fonds Monétaire a récemment émis le souhait que les économies fortement exposées au pétrole diversifient leur activité (et réduisent leur dépendance au secteur énergétique). Leader naturel de l’OPEP, l’Arabie Saoudite a présenté un plan de transformation économique qui va dans ce sens.
Enfin, l’ampleur du ralentissement de l’économie chinoise et la faculté des autorités à gérer sa mutation est incertaine. Plusieurs interrogations demeurent. Sur le plan monétaire, la capacité des autorités à contrôler le cours du yuan, dans un contexte d’ouverture financière et de chute des réserves de change, est mise à l’épreuve. Sur le plan économique, la gestion de la transition vers une économie plus servicielle comporte le risque d’un atterrissage brutal de la croissance. Sur le plan financier, le désamorçage du danger potentiel que constitue la hausse l’endettement public et privé est un enjeu clé : en Chine comme ailleurs, le soutien de la demande passe par une réduction des inégalités de revenus dans le secteur privé.
France : la reprise reste fragile
Après trois années de quasi-stagnation, la France a renoué avec la croissance en 2015. L’activité a progressé de 1,2%, contre 0,2% en 2014. Ces progrès sont pour l’instant insuffisants pour faire baisser le taux de chômage, qui oscille autour de 10-10,5% depuis trois ans.
Dans un environnement international délicat, la prudence doit rester de mise sur la capacité de l’activité à accélérer en France en 2016, malgré les premières estimations du PIB pour le T1 2016 (+0,5% t/t de l’INSEE et l’optimisme affiché par le gouvernement et l’OFCE. Les indicateurs de confiance des ménages et du climat des affaires envoient des signaux mitigés depuis plusieurs mois, après un net redressement en 2015. Dans ce contexte, le calendrier et le déséquilibre du projet de réforme du marché du travail en France apparaissent malvenus et menacent de fragiliser la reprise naissante (lire ici), qui a besoin de s’appuyer sur une demande privée dynamique, déjà grevée par la hausse de la fiscalité sur les dernières années. Le recul du nombre d’inscrits à Pôle Emploi en catégorie A, B et C observé sur les 3 derniers mois (-23 900, dont -8 700 en mars), est récent et volatile au premier trimestre 2016. Son amélioration durable dépendra de l’accélération de la croissance.
Stabilité de l’économie mondiale, un défi immense
Fragilisée, l’économie mondiale a crû de seulement 3,1% en 2015. Il y a peu de chance que la situation s’améliore nettement en 2016. Surtout, elle reste vulnérable à plusieurs facteurs de risques majeurs. A moyen terme, l’économie mondiale gagnerait en sérénité à trouver un modèle de croissance plus équilibré : la fin de la dépendance au secteur énergétique des économies pétrolières, la baisse du recours à l’endettement (qu’il soit public ou privé) comme principal soutien de la demande, la gestion de la demande par la réduction des inégalités, et la modération des mesures de soutien monétaire qui déstructurent la formation des prix des actifs financiers et alourdissent les bilans centraux.
Clément Bouillet