CPA : pour la création d’un accompagnement global des transitions professionnelles
1. Le principe
Deux niveaux d’accompagnement seraient proposés : le conseil et l’orientation des bénéficiaires d’une part, et l’aide à la construction du projet professionnel d’autre part.
L’exercice de ce droit autonome et indépendant serait maîtrisé par tout actif (salariés et demandeurs d’emploi) et prendrait la forme d’un chèque emploi mobilisable au moment des transitions.
Les montants cotisés seraient transformés en points, et versés de façon continue tout au long de la vie dans un compte financier, acquis, mobilisable, au libre choix du salarié. Ce système est déjà pratiqué en Autriche, où l’entreprise verse mensuellement une somme représentant 1,53% du salaire sur un compte personnalisé détenu pour le salarié. En cas de licenciement, les salariés peuvent recourir à ce compte.
L’hypothèse d’une fongibilité entre le CPF, le C3P et un financement spécifique dédié au CEP devrait être examinée.
2. Un accompagnement global qui corrige les lacunes du CEP
Plusieurs défauts du CEP ont été identifiés. Son intégration dans le CPA serait l’occasion d’y remédier. Cela suppose quatre changements :
– Un financement spécifique. Le CEP ne bénéficie pas d’un financement spécifique, donc de moyens supplémentaires, ce qui suscite des doutes sur la qualité des prestations de formation et sur le fait qu’elles soient adaptées aux besoins des bénéficiaires. Un financement dédié est également justifié par le fait que les entreprises ont recours au CEP pour « externaliser » l’obligation d’entretien professionnel avec leurs salariés afin de bénéficier d’un service externe gratuit.
– Une ouverture de la mise en œuvre du CEP, notamment aux opérateurs privés. Cette évolution permettrait de massifier le recours au CEP. Sa mise en œuvre, actuellement réservée, au niveau national, à cinq opérateurs institutionnels (Pôle Emploi, Cap Emploi, APEC, les Missions locales et les Fongecif) produit un maillage territorial insuffisant.
– Une labellisation préalable des prestataires (sous l’égide du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, CNEFOP/CREFOP). Celle-ci permettrait d’élargir la variété des acteurs, de mettre en concurrence les opérateurs pour favoriser l’innovation et réduire les coûts, et de guider les bénéficiaires dans leurs choix.
– Un libre choix du prestataire par le bénéficiaire. Ce principe permettrait de rendre le bénéficiaire davantage acteur de son parcours professionnel, de la même manière que cela se pratique déjà à l’étranger, ou en France, dans le cadre d’outplacement individuel ou de bilan de compétences. Ce libre choix du prestataire par le bénéficiaire crée un rapport de confiance, et favorise une démarche volontariste qui améliore les résultats de l’accompagnement.
3. Un financement par la création d’une cotisation spécifique (patronale et salariale)
Le financement d’un accompagnement global des transitions professionnelles reposerait sur une cotisation spécifique, composée pour 2/3 d’une part patronale et pour 1/3 d’une part salariale.
Le taux de cotisation à retenir devrait faire l’objet d’une négociation entre les partenaires sociaux. Il serait ajusté au fil des années en fonction du nombre supposé de ruptures qu’un actif est susceptible de connaitre au cours de sa carrière.
L’assiette de la cotisation serait constituée de deux types de revenus :
– Le salaire net dans les situations d’activité professionnelle (hors rupture).
– L’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (ou de rupture) pour la part salariale de la cotisation (qui pourrait représenter 10% des indemnités perçues), et un forfait social supplémentaire pour la part patronale (abondement de 200% du montant versé par le salarié) dans les situations de ruptures professionnelles du contrat de travail (licenciement pour motif personnel ou ruptures conventionnelles).
L’instauration d’un forfait social se justifie par le fait que, en l’absence d’un cadre clair, les entreprises n’ont pas mobilisé de dispositifs d’accompagnement individualisé pour sécuriser le parcours de leurs salariés à l’externe lorsque que ces derniers quittent l’entreprise sans projet professionnel et s’inscrivent donc à Pôle emploi.
Or l’instauration d’un accompagnement des salariés en rupture conventionnelle ou ayant fait l’objet d’un licenciement personnel est souhaitable pour au moins deux raisons : premièrement, le développement des licenciements pour motif personnel, prévu dans le projet de loi sur les nouvelles protections pour les entreprises et les salariés – et, antérieurement, dans le cadre de la Loi de Sécurisation de l’Emploi pour refus de mobilité professionnelle (accords de mobilité) – ne prévoit pas de façon suffisamment éclairante la mesure d’accompagnement externe qui pourrait être privilégiée et financée en contrepartie ; deuxièmement, l’explosion des ruptures conventionnelles depuis 2008 recouvre des possibles contournements au licenciement économique.
Pour les individus n’ayant pas encore acquis de droit à l’accompagnement, il devrait être envisagé un fonds complémentaire de 1% (calculé sur la masse salariale brute), qui s’ajouterait au CPF et pourrait être géré par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP). Il offrirait un droit de tirage dans le CEP pour ses bénéficiaires, notamment pour les jeunes sortis sans qualification du système scolaire. Cette mesure s’inscrit dans l’objectif d’universalité du CPA. Cette dimension est centrale afin d’éviter de reproduire des schémas de cloisonnement dans l’accès au droit à l’accompagnement.
Un financement facultatif pourrait être envisagé. Pour les salariés ayant une indemnité trop faible ou pour les salariés volontaires souhaitant alimenter davantage leur CPA, la cotisation pourrait s’appliquer aux congés payés ou au Compte Epargne Temps (CET).
SYNTHESE DES PROPOSITIONS
Pierre Ferracci