Vers de nouvelles lignes directrices européennes pour la validation des acquis
La validation de l’apprentissage « non-formel et informel » (ou « NFIL » pour non-formal and informal learning) correspond à la reconnaissance (par la certification) de compétences qui sont acquises lors d’activités structurées autour de programmes d’apprentissage, ou bien dans des cadres plus informels d’expériences extra-professionnelles, mais qui ne donnent (normalement) pas lieu à une reconnaissance formelle de ces compétences sous forme de certification). En France, la validation de la NFIL prend la forme de « Validation des acquis de l’expérience » (VAE) en place depuis plus d’une dizaine d’années (voir par exemple cette note du CEP présentant l’expérience française).
Validation de la NFIL : récents états des lieux et lignes directrices du Cedefop
L’intérêt pour la validation de la NFIL va croissant en Europe, aussi bien au niveau des implications des Etats-membres de l’Union dans des pratiques de validation, qu’au niveau des institutions européennes à travers des législations ou la création d’outils cherchant à promouvoir le développement de la validation de la NFIL.
Deux travaux récents présentent un panorama des expériences et des pratiques de validation et de reconnaissance des compétences dans les Etats-membres de l’Union :
– Un travail du Centre Etudes et Prospective et de Sémaphores du Groupe Alpha conjointement avec Consultingeuropa : le projet Acteurs, pratiques et enjeux de l’apprentissage non-formel et informel et de sa validation réalisé pour la Confédération Européenne des Syndicats (CES) en 2011-2012 et qui a fait l’objet d’un ouvrage publié par l’Institut Syndical Européen en 2014.
– La mise à jour de 2014 de l’Inventaire européen de la validation de l’apprentissage non-formel et informel, coordonné par le Cedefop et qui en est à sa cinquième édition (après 2004, 2005, 2007/2008 et 2010).
Ces travaux soulignent une grande diversité dans les expériences de validation mais aussi dans le degré d’implémentation de cadres nationaux structurant qui systématisent de manière unifiée les pratiques existantes. Si la validation de la NFIL reste marginale dans certains pays, des évolutions significatives ont eu lieu les dernières années. Ainsi, des systèmes structurés se font jour dans certains pays comme en Italie où la Loi de Juin 2012 fixe une feuille de route pour la construction d’un cadre unifié national de validation des acquis.
Une recommandation du Conseil Européen de décembre 2012 établit un objectif de mise en place de cadres nationaux de validation de la NFIL d’ici 2018. Cette recommandation établit clairement une incitation à suivre cette voie qui possède une vraie valeur juridique reconnue par le juge européen, sans non plus représenter le même niveau juridique d’une directive européenne. Les évolutions présentées plus haut sont favorisées par l’implémentation de certains outils, comme le Cadre Européen des Certifications qui grandit en influence à l’échelle européenne. Par ailleurs, les lignes directrices du Cedefop pour la validation des acquis non formels et informels de 2009 (s’appuyant sur les enseignements de l’inventaire européen de la validation de la NFIL de 2007/2008) soulignent les ‘grands principes’ et les principaux enjeux de la mise en œuvre de pratiques adéquates et performantes de validation. Une mise en jour de ces lignes directrices est actuellement en cours par le Cedefop, en concertation avec la Commission Européenne et les parties prenantes.
Quel contenu des nouvelles lignes directrices ?
Les lignes directrices représente un outil riche et dense assez normatif dans le sens où il édicte ce qu’il est souhaitable de faire tout en rappelant couramment les principes qui doivent sous-tendre à la mise en œuvre de système de validation de la NFIL.
Le travail réalisé par le Groupe Alpha pour la CES (et présenté plus haut) insiste tout particulièrement sur l’importance de développer la négociation collective portant sur la validation de la NFIL (ou l’incluant sur des sujets connexes comme la formation professionnelle). Ce travail fait également un certain nombre de propositions visant à permettre d’améliorer l’accès et la visibilité de la validation, reprises ci-dessous :
Tableau 1 : ensemble de propositions visant à favoriser l’accès et la visibilité de la validation de la NFIL
Source : Fleury N. (2014, ETUI Policy Brief)
L’Inventaire européen de la validation de l’apprentissage non-formel et informel de 2014 inclut notamment un tableau de bord relié à des indicateurs présentant le progrès vers la réalisation de « grands principes » dans les modalités de mise en œuvre de la validation de la NFIL. Dans ce tableau repris ci-dessous, les chiffres présentés en gras indiquent le niveau de réalisation en 2014 et les chiffres présentés entre parenthèses indiquent l’évolution sur la période 2010-2014. A partir de cette synthèse, on peut souligner que des efforts conséquents semblent devoir être portés au niveau européen au moins sur les niveaux suivants (indicateurs sur lesquels une majorité de pays de l’Union [incluant des pays partenaires] est en retard, ou très en retard, indiqués par les encadrés orangés dans le tableau) :
– Sur l’information/conseil/orientation des candidats à la validation.
– La mise en place de ressources pour le développement des compétences des salariés dans tous les secteurs.
– Sur l’orientation des dispositifs de validation en priorité à destination des publics fragiles.
– De proposer des bilans/audits de compétences aux chômeurs de plus de 6 mois.
– Sur l’utilisation des outils européens Europass (principalement un CV normé à l’échelle européen) ou Youthpass (outil à destination des jeunes de reconnaissance européen des acquis non-formels et informels).
Tableau 2 : progrès dans le degré de réalisation des grands principes dans la mise en œuvre de
la validation de la NFIL (2010-2014)
Source : Inventaire Européen sur la validation (2014)
Notes: 33 pays sont concernés, incluant des pays partenaires au-delà des
27 pays de l’Union Européenne. Les encadrés orangés soulignent quand le nombre de pays sur lesquels devraient porter des efforts est majoritaire.
Les nouvelles lignes directrices s’appuieront de manière conséquente sur l’inventaire européen sur la validation de 2014. Les propositions avancées du Groupe Alpha complètent sur plusieurs points les nécessités de progression pointées par l’Inventaire européen, même si elles se regroupent également sur d’autres (par exemple en termes d’orientation et de conseil). Certaines des propositions du Groupe Alpha supportent ainsi l’idée de complémentarité entre formation professionnelle et validation, insistent sur la nécessité de performance et de qualité des centres de validation, et sur la pertinence du suivi des parcours professionnels avant et après validation des bénéficiaires. Faisons ici le vœu que ces idées, toutes vouées à l’amélioration de l’accès à la validation, à sa professionnalisation et à son évaluation, soient intégrées sous une forme ou une autre dans la mise à jour des lignes directrices sur la validation préparées par le Cedefop, mais aussi qu’elles s’accompagnent d’une plus grande place de la validation des acquis dans la négociation collective.
Nicolas Fleury