Assurance chômage : les salariés se paient des droits rechargeables

Un accord trop contraint pour améliorer la situation financière de l’assurance chômage

La négociation s’est ouverte dans un contexte financier particulièrement difficile. Le déficit est estimé à 4 milliards en 2013. Il est prévu à 4,35 milliards en 2014. Fin 2013, l’endettement est évalué à 17,8 milliards d’euros.

 

Situation financière de l’assurance chômage au 31 décembre (endettement bancaire)

Assurance chômage : les salariés se paient des droits rechargeables                           Source : Unedic

 

Pourtant, dès le début des discussions, l’impact de la nouvelle convention sur la situation financière s’annonçait limité dès lors que la négociation était circonscrite par les éléments suivants :

– La mise en place de droits rechargeables à coûts constants. Cette précision financière n’a pas été retenue dans la loi de sécurisation de l’emploi (LSE) du 14 juin 2013, mais elle figurait dans l’ANI du 11 janvier 2013, lequel indiquait que « les partenaires sociaux veiller[aie]nt à ne pas aggraver ainsi le déséquilibre financier du régime ».

– L’exigence, exprimée par le gouvernement, du maintien des droits des chômeurs : maintien de la durée maximale d’allocation (24 mois, 36 mois pour les plus de 50 ans) et de la constance de l’indemnisation.

– La défense, par le gouvernement, du régime des intermittents du spectacle que le patronat voulait supprimer.

– Le refus du patronat d’augmenter les cotisations chômage dans un contexte d’allègement des cotisations sociales décidé par le gouvernement.

Au total, l’accord prévoit une réduction du déficit de 400 millions d’euros. Il se compose de quatre types de mesures : les droits rechargeables, les mesures pour le financer, des mesures d’adaptation à la réalité (retraite et multi-employeurs) et des mesures visant à réduire le déficit structurel portant intégralement sur les intermittents.

Assurance chômage : les salariés se paient des droits rechargeables

 

L’instauration de droits rechargeables lisibles

Concernant le dispositif des droits rechargeables, c’est celui proposé par la CFDT et FO qui a été retenu. Parmi les trois scénarios envisagés par l’Unedic, c’est le plus lisible : il consiste à écouler intégralement le droit initial ouvert lors de l’inscription à Pôle emploi. Une fois celui-ci épuisé, le chômeur acquerra de nouveaux droits  correspondant aux périodes travaillées entre temps,  selon  la règle  « un jour indemnisé pour un jour cotisé ». Ces périodes d’activité devront représenter au moins 150 heures de travail pour permettre un rechargement des droits (contre 610 heures, 122 jours ou 4 mois pour le droit initial selon la règle générale).

Actuellement, il existe un dispositif de réadmission et reprise des droits (sous certaines conditions), avec l’ouverture d’une nouvelle période d’indemnisation pour des demandeurs d’emploi précédemment indemnisés et qui disposent d’un reliquat de droits. Pôle Emploi compare le montant global du reliquat des droits ouverts au titre de la précédente admission et le montant global des droits nouveaux. Le capital le plus élevé et l’indemnité journalière la plus forte seront retenus. La durée d’indemnisation est mesurée en divisant le montant global par l’indemnité journalière.

Par rapport au dispositif actuel de réadmission-reprise de droits, celui des droits rechargeables aboutit à une durée d’indemnisation plus longue et une allocation journalière plus faible. Il reflète exactement les droits acquis. Parmi les trois scénarios examinés par l’Unedic, le dispositif retenu est celui qui engendrerait l’allocation la moins élevée, et allongerait le plus la durée d’indemnisation.

 

Un accord déséquilibré

Les droits rechargeables coûtent 400 millions d’euros. Ils sont financés par les salariés à travers quatre mesures de réduction des prestations :

– La simplification du dispositif de l’activité réduite : Les règles actuelles sont complexes en raison des différents seuils. L’accord les supprime, de même que le plafond de 15 mois de cumul entre revenu d’activité et allocation chômage, puis il simplifie la formule de calcul. L’allocation chômage sera désormais calculée de la façon suivante : allocation mensuelle – 70% de la rémunération brute issue de l’activité réduite. Le cumul  entre  revenu  d’activité  et  indemnité  chômage sera plafonné au  niveau  du  salaire  de  référence  antérieur  ayant  servi  au  calcul  de l’indemnité. Ces règles s’appliquent également aux salariés intérimaires, relevant de l’annexe 4, qui conserveront toutefois certaines spécificités : détermination du salaire journalier de référence, prise en compte du travail à temps partiel et modalités de calcul du différé d’indemnisation.

– La révision du différé d’indemnisation pour indemnités supra-légales (ISL) : jusqu’à l’accord du 22 mars, le différé spécifique était égal au rapport entre les ISL et le salaire journalier de référence, et plafonné à 75 jours. Dorénavant, il sera égal au montant des ISL divisé par 160. Ce chiffre correspond au coefficient pour lequel 12 000 euros d’ISL représentent 75 jours de différé. Le plafond est porté à 180 jours. Ce nouveau mode de calcul sera donc désavantageux à partir de 12 000 euros d’indemnités. Pour la CFDT, il devrait bénéficier à 80% des salariés. Les règles actuelles sont maintenues pour les licenciés économiques.

– la réduction du taux de remplacement minimum de 57,4% à 57% pour les allocataires dont le salaire était supérieur à 2 042 euros bruts par mois (environ un quart des allocataires).

– l’introduction d’un taux de remplacement maximum de 75%.

Par conséquent, les droits rechargeables, qui pouvaient apparaître comme une contrepartie obtenue par les syndicats lors de l’ANI sur la sécurisation de l’emploi, ne sont finalement qu’une mesure financée par les salariés eux-mêmes, sans contribution patronale.

 

Les mesures de réduction du déficit structurel s’élèvent à 190 millions d’euros. Structurellement, le solde financier de l’assurance chômage se caractérise par le fait que le solde entre les contributions reçues et les allocations versées est positif pour les CDI, et négatif pour les contrats courts – CDD, intérim, intermittents – (voir tableau). Les mesures de l’accord portent sur les seuls intermittents. C’est pour ce type de contrat court que le ratio entre dépenses et recettes est le plus important, avec la dimension structurelle la plus forte. Mais c’est aussi celui dont le solde entre recettes et dépenses est le moins élevé et le plus stable : environ un milliard d’euros depuis 10 ans. Selon l’Unedic (citée par un rapport du député PS Jean-Patrick Gille), le basculement dans le régime général des annexes 8 et 10 – qui régissent les règles spécifiques de l’indemnisation des intermittents – générerait une économie de 320 millions d’euros. Les mesures relatives aux intermittents représentent donc 60% du déficit spécifique du régime.

En revanche, les autres contrats courts sont épargnés. Certains syndicats (CFE-CGC, FO, CGT) prônaient une majoration des cotisations sur les CDD et l’intérim. Instaurée par la LSE, une majoration sur les CDD est en vigueur depuis juillet 2013, mais elle ne concerne pas l’intérim, elle est dérisoire sur les CDD d’usage, et elle exclut les contrats saisonniers ainsi que les contrats de remplacement, ce qui limite sa portée. Les évaluations ex ante faisaient état de recettes supplémentaires chiffrées au maximum à 200 millions d’euros. Or celles-ci sont annulées par le coût de l’exonération des jeunes embauchés en CDI (voir Claire Blondet, « La taxation des cdd : une arme (très) légère pour lutter contre la précarité de l’emploi »).

Assurance chômage : les salariés se paient des droits rechargeables 

Le dernier type de mesures concerne les mesures d’adaptation. Celles-ci font suite à la réforme des retraites de 2010, qui a relevé les âges légaux de départ en retraite à 62 et 67 ans. Les allocations chômage pour les chômeurs n’ayant pas atteint la durée d’assurance requise pour une retraite à taux plein seront maintenues jusqu’à 62 ans, et l’âge à partir duquel les allocations chômage cessent d’être versées est porté à 67 ans. Par ailleurs, les salariés de plus de 65 ans et leurs employeurs cotiseront désormais à l’assurance chômage.

Une autre mesure concerne une catégorie spécifique de salariés : ceux qui ont plusieurs employeurs. Désormais,  en  cas  de  perte  d’une activité,  les  rémunérations  et  l’affiliation afférentes à celle-ci sont prises en compte dans leur totalité pour la détermination du droit à indemnisation, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors.


Antoine Rémond